Saint-Lô de la protohistoire à la fin du Bas-Empire

La nécropole de Briovère au Bas-Empire
et la localisation de la basilique paléochrétienne.



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Emplacement présumé de la nécropole Vue cavalière de Saint-Lô vers 1651
Église Notre-Dame Abbaye Sainte-Croix de Saint-Lô

Vue de la route de Coutances au début du 20e siècle

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Saint-Lô, préhistoire

La découverte en 1878 d'une structure en pierres juxtaposées à sec fait penser à un cairn funéraire, caractéristique de la période du néolithique moyen II en Basse-Normandie (vers 4000 avant notre ère).

Saint-Lô avant la conquête romaine

Saint-Lô n'a guère livré de vestiges de son passé antique. Pourtant, de par sa position géographique, le site a du être occupé assez tôt. Plusieurs éléments militent en faveur de cette hypothèse.

La ville de Saint-Lô s'est développée autour de deux pôles attestés historiquement, le pont franchissant la Vire et la voie gallo-romaine reliant Bayeux à Coutances. On sait que la plupart des voies dites gallo-romaines sont en réalité des axes de communication déjà établis par les Gaulois. Le nom antique de Saint-Lô Briovera, étant formé du gaulois briva, pont, et du prélatin vera, élément faisant référence à l'eau, on peut légitimement en déduire que cette voie existait préalablement à la conquête de la Gaule par Jules César. Ce point de passage permettant d'aller de Bayeux à Coutances (villes toutes deux mentionnées dans les sources antiques, à la différence de Saint-Lô) a longtemps été le seul moyen de rejoindre le nord du département. En effet, la mer remontait si loin dans les terres que le Cotentin se transformait régulièrement en île, ce qui contraignait les voyageurs désireux de se rendre dans le nord du département soit à passer par Saint-Lô soit à emprunter les difficiles passages des Grand et Petit Veys, situés dans la baie du même nom. Si l'on admet cette première hypothèse faisant de Briovère le dernier point de passage permetttant de franchir la Vire à pieds secs avant Isigny, on peut y admettre une occupation humaine. De plus, le site en lui-même s'y prête admirablement.

L'éperon rocheux dominant la Vire et le pont qui l'enjambait, a pu accueillir une fortification permettant le contrôle de ce double point de passage. Car si le pont facilite les échanges est-ouest, la Vire, à la fois axe de communication et voie fluviale permet pour sa part les échanges nord-sud. On peut raisonnablement penser que les Gaulois occupant ce site, qu'ils soient Unelles ou Baiocasses, aient songé sinon à le fortifier du moins à l'occuper significativement.

Un lieu de passage contrôlant l'accès au nord du département, c'est déjà en soi-même une raison suffisante pour occuper ce site. Une autre serait que ce site se situe aux frontières de deux tribus gauloises, les Baiocasses et les Unelles. On connaît le caractère querelleur des Gaulois, on peut également penser que les détenteurs de cette portion de territoire l'aient au moins fortifier, même légèrement. Une question se pose toutefois, à quelle tribu faut-il attribuer le territoire actuel de Saint-Lô ?

Au second siècle de notre ère, les tribus gauloises sont maintenant des civitates romaines, le territoire de la tribu dépendait d'un chef-lieu. Pour notre département nous aurions ainsi Avranches pour les Abrincates et Coutances/Valognes pour les Unelles. Dans l'état actuel des recherches il semble admis que ces deux dernières aient pu jouer ce rôle alternativement. En tout état de cause au Ve siècle, la Notitia Galliarum évoque deux cités pour la Manche, Avranches et Coutances. La plupart du temps les hommes de l'époque se servaient d'éléments naturels pour délimiter tel ou tel endroit, frontière ... Il semble que la Vire ait joué ce rôle (la toponymie paraît l'attester par la présence du toponyme Yvrandes, com. de Saint-Ebremond de Bonfossé, issu du gaulois equoranda, limite d'eau), dans ce cas et au vue des éléments dont nous disposons, il paraît probable que le territoire de Saint-Lô, situé sur la rive droite de la Vire ait appartenu aux Baiocasses puisque jusqu'à l'épiscopat de Laud, il dépendait de la cité de Bayeux. C'est justement cet évêque qui procéda à l'intégration de ce "domaine" au diocèse de Coutances par le biais d'un échange avec l'évêque de Bayeux (Exemption de Sainte-Mère-Église).

Pour synthétiser, le territoire situé sur la rive droite de la Vire aurait appartenu aux Baiocasses, et ceux-ci auraient pu fortifier le site afin de protéger ce point de passage favorisant les communications. Ainsi cet oppidum1 aurait pu servir de point de contrôle et de frontière. Du reste, certains historiens pensent qu'il n'est pas exclu que les deux rives d'une même rive aient pu être aux mains d'une même tribu.

Saint-Lô gallo-romain

Les monnaies sont les indices les plus flagrants d'une occupation gallo-romaine du site. Concernant ces découvertes monétaires, nous pouvons nous risquer à une constatation (quelque peu hasardeuse étant donné le faible nombre de monnaies trouvées). Si l'on se reporte au tableau des découvertes archéologiques, deux traits se dégagent. La plupart des monnaies appartient à deux grandes périodes. La première correspond à celles des empereurs usurpateurs (235-284), laps de temps durant lequel l'Empire romain connu une crise assez forte ; l'autre nous livre des monnaies contemporaines des règnes de Constance Chlore et de Constantin. Le premier fut celui qui vainquit Carausius et son successeur Alectus qui avaient constitué un état indépendant en Bretagne (Angleterre actuelle) et sur une partie du continent, on sait également qu'il se montra le plus modéré dans la dernière grande persécution du christianisme à la différence de ses collègues Maximien et surtout Galère. Dans ce cadre représsif un décret de 303 promulgua la confiscation des livres sacrés ainsi que la destruction des églises. En 306, à la mort de Constance, l'armée de Bretagne proclama son fils Constantin, empereur.

Saint-Lô mérovingien

Bien que l'on ne trouve aucune mention de Saint-Lô avant le début du Ve siècle, époque à laquelle Léontien, évêque de Coutances se dit ex civitate Briovere, on peut, tout comme pour la période antérieure, se risquer à quelques hypothèses en s'appuyant notamment sur les découvertes archéologiques faites au XIXe siècle. Au regard de ces constatations et en fonction de ce que l'on sait des rites funéraires du Bas-Empire et de l'époque mérovingienne, voici les hypothèses que l'on peut élaborer pour retracer le passé antique de la ville, et particulièrement si l'actuelle église Sainte-Croix a pu prendre le relais d'un édifice antérieur, édifié par une communauté paléo chrétienne présente à la fin du Bas-Empire.

On distingue deux grands types de nécropoles mérovingiennes. Tout d'abord les nécropoles suburbaines. Celles-ci sont situées en dehors des murs de la ville et perpétuent l'utilisation des anciens cimetières romains. Cas différents, celui des nécropoles rurales ; celles-ci sont très souvent de fondation récente sans aucun lien avec celles qui les ont précédées. On a constaté cependant l'existence d'une troisième catégorie intermédiaire, celles des nécropoles dépendant d'agglomération secondaire, de type gros vicus, catégorie dans laquelle je propose d'inclure Briovère. Dans ce cas, la plupart du temps, il semble que les cimetières soient toujours situés sur le même emplacement, c'est à dire le long des voies menant à l'agglomération en question.

Au IVe siècle le Christ est celui qui est adoré dans les grandes villes, ce qui est applicable à la grande partie de la Gaule de cette époque ne l'est pas véritablement en Normandie, exception faite de Rouen, cité dans laquelle il y a un évêque dès 314. Cependant, un siècle plus tard la nouvelle religion semble avoir atteint la côte occidentale de notre département (baptistère de Portbail et vraisemblable érection de Coutances en tant qu'évêché), d'autre part, Avranches semble avoir été élevée au rang de cité épiscopale dès la fin du IVe siècle (D. LEVALLET). Ces quelques jalons étant posés, essayons d'imaginer ce qui a pu se passer à Saint-Lô. Pour évoquer au mieux cette époque, il faut certainement compléter la vision de la ville. Au possible oppidum, à la voie gallo-romaine et au pont, ajoutons la nécropole gallo-romaine.

Comme nous l'avons fait remarquer précédement, les nécropoles méovingiennes dépendant des agglomérations secondaires perpétuent l'utilisation des cimetières antiques. Les nécropoles du Bas-Empire étaient situées le long des routes. Si l'emplacement n'a pas varié, les coutumes funéraires ont cependant changé. Les Francs qui pratiquaient auparavant l'incinération, se mirent à pratiquer, en s'installant dans nos régions, l'inhumation habillée (jusqu'au début du VIIIe siècle), coutume funéraire gallo-romaine en cours depuis la fin du Bas-Empire et déjà en usage chez les populations autochtones. Le seul apport des Francs fut l'accroissement des offrandes funéraires, celles-ci venant en complément de l'inhumation habillée, ce qu'il convient d'interpréter plus comme une perspective sociale que religieuse.

La découverte en 1858 d'une sépulture place Sainte-Croix, ainsi que celles de plusieurs sarcophages, laisse à penser que nous sommes en présence d'un site ayant pu prendre la place de la nécropole du Bas-Empire. En effet la voie gallo-romaine joignant Bayeux et Coutances passait vers l'extrémité sud-est de l'actuelle place. Le mobilier livré par cette sépulture nous autorise à quelques constatations, malgré notre ignorance du contexte archéologique.

Nous sommes visiblement en présence d'une sépulture féminine comme l'atteste le fragment de cristal de roche. Il s'agit en effet d'un objet faisant typiquement partie de la parure des femmes franque, de plus il se rencontre fréquement dans les sépultures de haut rang (ainsi dans la tombe de Childéric I, on a supposé que sa femme Basine avait été inhumée avec lui, vers 480 ; et dans celle de la dame de Cologne, morte vers 530-540). Le cristal de roche employé comme bijou était suspendu à la ceinture. Il est surtout employé entre la fin du Ve et la fin du VIe siècle. Nous pourrions donc être en présence de la sépulture d'une femme de la noblesse locale, femme gallo-romaine ou franque ayant adopté les coutumes "locales", ayant pu vivre après 533-549. Dans la tombe fut retrouvée, outre le fragment de cristal, un anneau d'or portant l'inscription Laud, il pourrait s'agir de l'abréviation de Laudus, deuxième évêque de Coutances. Cet anneau confirmerait ainsi la datation obtenue par la présence du cristal de roche.

Les sarcophages découverts place Saint-Croix, faute d'observation du contexte et d'éléments descriptifs ne nous pemettent pas d'émettre quelque hypothèse que ce soit. Tout au plus peut-on rappeler brièvement l'histoire de leur utilisation. Comme le précise P. PERIN, l'utilisation de sarcophage au début de la période mérovingienne, tout comme à la fin de la période romaine, se cantonne essentiellement au milieu urbain, et elle est toujours révélatrice d'un certain niveau social. A contrario, leur usage en milieu rural, dans les campagnes du nord de la Gaule, n'apparaît pas avant 550. Leur emploi cesse progressivement au cours du VIIIe siècle, "non pour des raisons économiques, techniques, ou sociales, mais en raison de l'évolution des coutumes funéraires. En effet, les progrès de la christianisation ainsi que la substitution progressive de l'Église à la famille en ce qui concerne les coutumes funéraires conduisent à la disparition des cimetières extensifs, avec juxtaposition de tombes individuelles, au profit d'accumulations de tombes ad sanctos qui excluent désormais les sarcophages".

1 : Si le site possédait un oppidum celui-ci aurait appartenu, en fonction de la typologie, à ceux de type belges, forteresses de type Fécamps, situés au nord de la Seine. Mais ceux-ci pouvaient également jalonner les cours d'eau. C'est d'ailleurs la même constatation que pour le camp de Saint-Jean de Savigny.



Extraits de Neustria Pia concernant la ville de Saint-Lô

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